Le 11 novembre, un jour du souvenir qui doit également nous guider dans les jours, mois, années à venir.

Il y a des traditions qui doivent perdurer avec toujours autant, si pas davantage, de force. Les commémorations du 11 novembre en font partie. Retrouvez ci-dessous le discours que j’ai prononcé cette année devant le monuments de la Place de la Victoire, à Jodoigne.

« Mesdames et Messieurs,

Vous avez devant vous un homme inquiet.

Nous avons assisté incrédules au déroulement des élections présidentielles aux Etats-Unis, ce grand pays.

Nous avons été stupéfaits des résultats du référendum au Royaume-Uni sur le Brexit.

Nous sommes atterrés devant le lamentable spectacle en France auquel se livrent tant la Droite que la Gauche et qui toutes deux font le lit de l’extrême-droite.

Nous entendons à nouveau les bruits de bottes en Russie.

Nous sommes consternés de voir l’Union européenne , après autant d’acquis extraordinaires, s’embourber dans son incapacité à écouter, à convaincre, à aller de l’avant.

Je m’arrêterai à ces quelques exemples qui justifient mon inquiétude et ma perplexité.

Il n’est pas étonnant que nous soyons quelque peu perdu alors que le monde vit une situation particulièrement alarmante.

Le 11 novembre 2015, lors de mon discours ici même, je disais ceci :

« Nous sommes en guerre. Nous avons l’obligation de nous défendre. (…)

La question n’est même plus de savoir si nous serons frappés mais uniquement quand.

Il faut gagner la guerre contre Daech, il faut permettre aux populations sous le joug de l’Etat islamique de retrouver la paix et la prospérité.

Si nous ne le faisons pas, nous perdons la guerre (…) »

Deux jours plus tard, le 13 novembre, Paris était frappé par Daech, près du Stade de France, au Bataclan dans les 10e et 11e arrondissements de Paris, devant les bars et restaurants Le Carillon et Le Petit Cambodge., les attentats sont les plus meurtriers perpétrés en France depuis la Seconde Guerre mondiale.

Le 20 novembre 2015, une prise d’otages dans un grand hôtel de Bamako au Mali coûte la vie à 22 personnes dont un fonctionnaire belge du Parlement de la Communauté française alors en mission.

le 22 mars 2016, des attaques organisées par l’État islamique frappent notre pays. Deux attentats-suicide ont lieu à l’aéroport de Bruxelles et une troisième bombe explose dans le métro au niveau de la station de Maelbeek.
Le 14 juillet 2016 à Nice, le jour de la fête nationale, un camion fonce dans la foule sur la promenade des Anglais, tuant 86 personnes et en blessant 286.

Tous les Pays sont frappés : les Etats-Unis le 2 décembre à San Bernardino en Californie ou le 12 juin 2016 à Orlando où une fusillade fait 49 morts.

Mais aussi l’Allemagne, la Russie, la Turquie, la Côte d’Ivoire , le Yemen, le Congo, le Pakistan et tant d’autres pays qui sont touchés.

La liste est terriblement longue : des centaines de morts, des milliers de blessés des attentats presque chaque jour revendiqués par l’Etat Islamiste, Al-Qaïda ou Boko Haram.

J’ai relu un certain nombre de propos que j’ai été amené à prononcer à l’occasion de la commémoration du 11 novembre. Et le 11 novembre 2006 je disais ceci :

« (…) nous ne sommes plus à l’abri de cette forme de guerre nouvelle, qui menace le monde, non plus par des armées, mais par des attaques aveugles qui visent à détruire notre société elle-même.

En Europe, dans notre pays, nous vivons en paix depuis plus de 60 ans, une ère de paix inégalée à l’échelle de l’histoire humaine. Mais nous ne pouvons plus exclure que bientôt nous soyons frappés et qu’alors peut-être, il faudra reprendre les armes. »

Ne voyez dans ces reprises d’extraits de discours que j’ai été amené prononcer, rien d’autre que l’expression du sentiment de nos concitoyens tel que je le ressentais à un moment donné de notre histoire toute récente.

Mais je pense qu’il était indispensable que notre pays s’engage dans la coalition internationale. Il n’y a pas lieu de s’en réjouir mais bien de constater qu’il s’agit d’une impérieuse nécessité.

Dans ce contexte, je ne peux que m’étonner de l’émoi que suscite chez d’aucuns la présence de militaires dans les rues de nos grandes villes. Je respecte ce point de vue, mais je ne le partage en aucune manière. Nous sommes dans une situation inédite, les forces de police sont amenées à assurer des missions d’une ampleur inégalée, l’appui de l’armée pour assurer la sécurité intérieure et extérieure du Pays est indispensable. Cet appui ne met pas en péril notre système démocratique, il le protège comme il nous protège.

Mesdames et Messieurs,

Le temps a passé.

Ceux qui ont encore connu la période de la Grande Guerre étaient trop jeunes à l’époque que pour s’en souvenir.

La plus large partie de la population n’a pas connu la deuxième guerre mondiale et il y a 27 ans qu’est tombé le mur de Berlin et qu’a pu être acté dans les faits, la fin de la guerre froide.

Où sont les leçons d’un passé qui s’estompe alors que nous vivons peut-être les prémices d’une nouvelle catastrophe ?

Notre devoir de mémoire est certes, et c’est important, l’hommage à tous ceux qui ont défendus notre liberté et notre démocratie, mais il est aussi – et aujourd’hui plus que jamais – à éviter de commettre, dans un contexte sans doute différent, les mêmes erreurs.

La plupart d’entre nous avons le bonheur de n’avoir connu qu’un pays en paix. Ce bonheur-là, je l’espère jusqu’à la fin de ma vie, je l’espère pour les citoyens de ma ville et pour toutes les générations qui suivront, je l’espère pour mes enfants et pour tous mes descendants.

Je ne veux pas qu’ils puissent connaître l’horreur des tranchées de 14-18, les exactions, les cruautés, les exécutions sommaires, la déportations, les camps de concentration, les bombardements, la peur et la perte des libertés.

Je ne veux pas qu’ils aient peur de se rendre dans un stade de foot, à un concert, de prendre l’avion ou le métro, de se rendre dans un centre commercial ou au cinéma.

Je ne le veux pas.

Alors oui, nous devons prendre exemple sur tous ceux que nous honorons aujourd’hui.

Nous ne pouvons pas oublier ce qu’ils ont fait pour défendre le pays, leurs familles, la liberté.

Ils avaient envie de s’amuser, de sortir, de fonder un foyer, d’élever leurs enfants et c’est le fanatisme, l’intolérance, le racisme, l’extrémisme, qui leurs ont fait perdre les belles années de leur jeunesse.

Honneur à ceux qui sont tombés dans ce juste combat pour la liberté et à ceux qui nous ont quitté depuis lors.

Honneur aux combattants, résistants, réfractaires, déportés.
Oui, c’est ce que nous voulons leur exprimer : honneur, respect et reconnaissance.

Et le plus bel hommage que nous pouvons sans doute leur réserver, est d’affirmer que cette liberté qu’ils ont reconquise, nous allons la préserver
parce que c’est ce que nous voulons pour nous et nos enfants,
parce que nous savons que la démocratie va gagner,
parce que surtout, nous ne pouvons pas avoir peur,
parce que nous n’avons pas peur. »